Pension alimentaire





Avant propos...

Il existe deux types de pension alimentaire :
- Le premier est la somme que l'un des époux doit verser à l'autre, dans l'attente du prononcé du divorce, pour remplir son devoir de secours.
- Le second est la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants qu'un parent verse à l'autre à l'issue d'une séparation parentale (article 373-2-2 du Code Civil).
Nous ne nous intéresserons ici qu'à la deuxième forme, qui seule concerne les enfants.

Le combat de l'association SOS PAPA est celui du maintien des relations parent/enfant après une séparation conjugale. Dans ce dossier, comme dans celui qui est consacré aux impôts, nous nous plaçons cependant sur le plan financier, au risque de nous attirer des critiques du genre : "les pères qui réclamment la garde de leurs enfants pensent en réalité à leur porte-feuille". En effet, il nous paraît important de ne pas négliger l'aspect financier pour deux raisons :

1. Situation actuelle

Les statistiques de SOS PAPA Bretagne (2003) font apparaître des pensions alimentaires moyennes de : On notera que la plupart des enfants concernés sont dans la tranche 5/10 ans.

Au niveau national, on consultera ce document paru dans le bulletin d'information statistique du Ministère de la Justice en février 2007. Dans leur grande majorité, les juges utilisent une « méthode » « globalisante ». Cette approche est très intuitive et dépend beaucoup des ressources du parent non gardien, qualifié de débiteur. Une petite minorité de juges s'aide d'un barème (voir cette enquête (407 ko) réalisée pour le Ministère de la Justice). Dans certains pays européens (voir page 10 de ce document (232 ko) sénatorial), l'utilisation de barèmes est généralisée, voire obligatoire. Les barèmes sont toujours criticables mais ont le mérite d'être les mêmes pour tous et de pouvoir être discutés par les instances politiques, associatives, etc. Cela permet d'échapper, un peu, au pouvoir discrétionnaire du juge.

2. La loi

VOIR AUSSI NOUVEAUTE 2010

Le Code Civil, dans son article 371-2, indique :
“Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins des enfants.”
L’article 373-2-2 précise que :
“Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d’une prise en charge directe des frais exposés au profit de l’enfant”.

Il est donc demandé que les deux parents (et pas seulement un seul) contribuent, proportionnellement à leurs ressources. Cela s'applique dans tous les cas, y compris pour la résidence alternée paritaire : si un parent a plus de ressource que l'autre, il doit contribuer plus.
La loi demande aussi que les contributions soient proportionnées aux besoins de l'enfant. Il est donc important d'évaluer ces besoins, puis de proposer une répartition des charges entre les deux parents tenant compte de leurs ressources.
La loi reconnaît en outre que la prise en charge directe de frais (nourriture, vacances, activités diverses, etc) par le parent non gardien fait partie intégrante de la part contributive.
Enfin, il faut remarquer que la loi ne demande pas de tenir compte des revenus des éventuels nouveaux conjoints, ni d'assurer une homogénéité des niveaux de vie dans les deux foyers des enfants.

En résumé, la formulation de la loi est pertinente. Il reste à fournir au juge tous les éléments qui lui permettront d'en respecter l'esprit en ordonnant une part contributive réellement adaptée à la situation.

3. Comment évaluer la part contributive

VOIR AUSSI NOUVEAUTE 2010

3.1 La première étape est de déterminer les besoins des enfants. Ces besoins ne sont autres que ce que dépensent les deux parents pour eux.
On recense donc les charges réelles liées aux enfants : Le mieux est de tout récapituler dans un tableau en faisant apparaître la contribution de chaque parent. Ansi, il ressort clairement que des postes importants tels que le surcoût de logement ou les vacances sont supportés autant par le parent qui n'a qu'un modeste droit d'hébergement que par le parent gardien.
Condition Paternelle fournit un bon exemple d'un tel tableau (page 1).

Ce travail est difficile à faire précisément, d'autant que l'ex-conjoint ne fournira pas nécessairement tous les éléments requis. On peut donc conforter le budget global établi en le comparant à des données objectives telles que celles fournies par l'UNAF (voir aussi le tableau de Düsseldorf - à approfondir). Le coût mensuel moyen d'un enfant est estimé à : Ces chiffres s'appliquent à des enfants vivant dans des familles unies. Dans le cas de familles séparées, ils doivent être revus à la hausse parce que certains postes deviennent plus importants (affaires en double chez papa et chez maman), d'autres doivent être pratiquement doublés (surcoût de logement, vacances) et, de nouveaux postes peuvent apparaître (transport lié à un éloignement géographique). Une approximation grossière, qui doit absolument être affinée au cas par cas, donne les chiffres suivants : Cette estimation grossière a pour but de montrer que le fait de vivre dans deux familles séparées induit un surcoût non négligeable par rapport aux chiffres de l'UNAF.
Dans tous les cas, il est souhaitable que les deux parties s'accordent sur le montant des besoins de l'enfant. Au minimum, il faut proposer, par avocat interposé, à l'autre partie d'en discuter.

Il ne faut pas rapprocher hâtivement les 400 € cités ci-dessus de la pension alimentaire moyenne constatée de 130 € pour dire que le parent non gardien ne contribue qu'à hauteur d'un petit tiers ! En effet, il ne faut pas oublier de décompter les prestations familiales du coût total de l'enfant, ni ignorer que ce parent prend nécessairement directement à sa charge un certain nombre de frais.

3.2 Ayant estimé les besoins, il faut déduire les avantages financiers apportés par les enfants :
Là aussi, on peut utiliser un tableau tel que celui proposé par Condition Paternelle (page 2) pour récapituler tous les postes. Le but est de faire resortir les avantages liés à l'enfant dont bénéficie le parent gardien.
Pour plus de clarté et pour éviter une source de contestation, on peut supprimer les lignes relatives à la fiscalité, sachant par ailleurs que le parent non gardien peut lui aussi obtenir des dégrèvements fiscaux.

3.3 Ensuite, il faut déterminer la contribution théorique de chaque parent, telle que demandée par la loi.

Par exemple, si madame gagne 1000 € et monsieur 1200, alors : Ce calcul n'est possible que si les ressources des deux parents sont connues de façon satisfaisante. Ce n'est pas toujours le cas, notamment parce que certains parents fraîchement séparés changent brutalement de travail ou cessent (définitivement ?) de travailler, se mettent à exercer une activité non salariée et rémunérée de façon occulte, etc. Avoir conserver des avis d'imposition des années précédentes peut éventuellement être utile.

3.4 Enfin, on déduit les frais supportés directement par le parent débiteur de sa contribution théorique pour obtenir la part contributive à verser.
Par exemple, si la contribution théorique de ce parent est 220 € (55% de 400 €) et qu'il en supporte directement 100, la part contributive qu'il devra verser sera de : 220 – 100 = 120 €.

4. Et après...

Ca y est, le Juge a fixé la part contributive. Que ce passe-t-il en suite ?

4.1 Disons-le de la façon la plus nette : il faut payer !

Tout non paiement, ou même petite difficulté de revalorisation ou de retard, peut être sanctionnée par une saisie sur salaire. Celle-ci peut être obtenue très simplement et très rapidement en s'adressant à un huissier, sans avoir à passer par une décision de justice. C'est une procédure beaucoup plus rapide et efficace que dans le cas de non représentation d'enfants !
Du coup, Il faut savoir aussi qu'une fois la saisie sur salaire mise en place, il est extrêmement difficile de la faire arrêter : il faudra obtenir de votre ex-conjoint qu'il veuille bien en faire la demande.
Il vaut bien mieux payer sans tous ces désagréments annexes ! Et si vous ne payez vraiment pas, voilà ce qui vous attend.

4.2 Moyens de paiement

En principe, vous pouvez utiliser tout moyen de paiement à votre convenance. Mais, pour prévenir toute contestation, il est très fortement recommandé de procéder par virement banquaire. Vous disposez ainsi d'une preuve irréfutable et facilement accessible du bon paiement de la part contributive.

4.3 Si vous avez des difficultés de paiement

La vie présente toujours une part d'imprévu. Par exemple, votre voiture vous lâche et vous devez en changer précipitemment. Du coup, vous voilà momentanément gêné pour payer la part contributive.
Même dans une telle situation, il faut éviter de ne pas payer (relire ce qui est écrit ci-dessus !). Ce qu'il faut faire, c'est :
4.4 Revalorisation

La part contributive qui a été fixée par le juge est révisée tous les ans. La révalorisation s'effectue soit au 1er janvier (cas le plus courant), soit à la date anniversaire du jugement. Ce point est en principe explicité dans le jugement.
Le principe de calcul est très simple : L'indice à prendre en compte est l'indice INSEE, série hors tabac, ensemble des ménages. Il est très facilement accessible sur le site de l'INSEE. Le dernier indice connu au 01/01/15 est 125,70 (indice de novembre 2014, paru au Journal Officiel le 12/12/14).

Exemple : Pension de 150 € fixée par jugement de juin 2010

Sur le site www.service-public.fr, vous trouverez d'ailleurs un utilitaire permettant de faire votre calcul de revalorisation. Vous pouvez faire une copie d'écran et la communiquer à votre ex-conjoint avec un petit mot aimable : les bons comptes font les bons amis, dit-on !

Sur le même sujet, vous pouvez également consulter ce document.

4.5 Demande de révision

Si votre situation - ou celle de votre ex-conjoint - connaît un changement durable (baisse de salaire, reprise d'activité, nouveaux frais de scolarité, naissance d'un nouvel enfant, etc) ayant un impact sensible sur la situation financière de l'un des parents, vous êtes fondé à demander une révision de la part contributive dans le cadre d'une demande après divorce ou séparation de corps.
Pour cela, l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire. Il suffit d'adresser une requête auprès du Juge aux Affaires Familiales. Le moyen le plus simple est de demander le formulaire correspondant auprès du greffe du Tribunal de Grande Instance compétent.
Sur ce formulaire (voir un exemple), vous exposerez clairement les éléments nouveaux motivant votre demande de révision et vous indiquerez explicitement le nouveau montant que vous sollicitez. Par exemple, il faut dire : "je veux passer de 220 à 170 €" et non : "je veux payer moins", ou même : "je veux baisser de 50 €".
En outre, vous devrez fournir tous les éléments justificatifs qui vous seront demandés : avis d'imposition, trois derniers bulletins de salaire, attestation de la CAF, tableaux d'amortissement des prêts en cours, quittance de loyer, etc. N'hésitez pas à ajouter toute pièce non demandée qui pourrait venir en appui de votre demande.

Contrairement au divorce, ce type de demande fait l'objet d'une procédure orale. Vous devez vous présenter vous-même devant le juge parce que vous n'êtes pas censé être représenté par un avocat. Dans le cas contraire, votre point de vue ne serait tout simplement pas entendu.
La procédure respecte le principe du contradictoire, à savoir : Il arrive quelquefois que telle personne qui demande une baisse de la part contributive se voit finalement infliger une hausse. Votre demande (ou celle de votre ex-conjoint) doit donc être bien motivée.

4.6 Jusqu'à quand

Selon l'article 371-2 du Code Civil,
"Cette obligation [de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants] ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur."
C'est-à-dire que la part contributive devra être versée tant que l'enfant n'est pas financièrement autonome, même au delà de 18 ans.

Il est certes tout à fait normal de subvenir aux besoins d'un jeune poursuivant des études. Mais, d'un autre côté, cette disposition légale officialise l'obligation pour le parent non gardien de verser une rente à son ex-conjoint pour une durée indéterminée, sans lui donner un droit de regard sur les études ou les démarches d'insertion professionnelle du jeune adulte.
Par ailleurs, dans nombre de cas, le jeune a acquis une certaine autonomie de vie pour ses loisirs, ses achats de vêtements, voire son logement, etc. Continuer de faire passer la juste contribution du parent non gardien au financement de ces besoins par le parent gardien ne s'impose plus forcément. Dans le soucis de renforcer ses liens avec son enfant, le parent non gardien a sans doute intérêt à demander au juge que sa part contributive prenne la forme de la prise en charge directe de certains frais.

En bref...